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L'art à ciel ouvert

Dimanche 9 mars 2014

Lever 6h30 bien que nous n'ayons pas de tente à démonter. Le plus bizarre c'est de se dire que, pour cet aspect uniquement, la reprise du travail va s'apparenter à des vacances ou, au moins, à des grasses matinées !

Durant nos premiers kilomètres nous traversons deux conservancies dont celle d'ANABT. Les animaux sont nombreux à proximité de la route : girafes accompagnées de petits, zèbres de montagne, oryx, autruches, springboks, ... Quand nous pensons aux difficultés rencontrées à Etosha pour trouver certaines de ces espèces la chance de ce matin est presque indécente.

Le paysage contribue, lui, à créer un sentiment de désorientation. Les arbres sont plus clairsemés et la prairie prend le dessus. Le plus étonnant c'est de voir ces plaines en herbe avec même des fleurs. La première photo ci-dessous n'aurait absolument aucun intérêt s'il s'agissait d'une région française ou suisse. Mais nous sommes ici dans un environnement semi-désertique où, la plupart de l'année, la couleur majoritaire est celle de la terre...

Pour borner notre horizon, il y a de tous côtés des collines dont les sommets sont systématiquement tronqués et plats comme une table. Etrange !

En sortant de la seconde conservancy, nous retombons nez-à-nez avec une nouvelle barrière vétérinaire comme à la sortie d'Etosha. Avec elle, nous allons quitter le Kaokoland pour entrer dans le Damaraland.

Notre environnement va dès lors rapidement se métamorphoser avec, dans tous les cas, la résistance de pousses vertes : monts granitiques dans un cadre aride, rocs immenses façon "Arizona", blocs de pierres enchevêtrées émergeant d'une végétation à nouveau fournie et pour finir paysage tout en contrastes entre le bleu du ciel, le rouge des montagnes, le vert de l'herbe et le brun clair de la piste.

En peu de temps, nous parvenons au premier site du jour : Twyfelfontein, un lieu inscrit à l'UNESCO. Si certains critiquent une liste qui a tendance à s'allonger autant que celle de la Légion d'Honneur, à titre personnel et par expérience, je crois encore en ce label qui met en évidence des curiosités nationales à découvrir lors du passage dans un pays. Twyfelfontein est réputé pour ses gravures pariétales des premiers Sans, mieux connus sous le nom de Bushmen, vous savez le peuple de "Les Dieux sont tombés sur la tête". Le nom de "Bushmen" ne doit pas être trop utilisé car il a été donné par les colons hollandais et est péjoratif (il signifie plus ou moins "homme de la brousse" ou "homme des buissons"). C'est pourquoi ce peuple préfère se nommer "San". Leur présence en Afrique australe est extrêmement ancienne.

La visite s'effectue obligatoirement avec un guide local et suit un tracé bien défini. Grâce à ces mesures de protection, l'état de conservation de gravures plurimillénaires est excellent. Nous commençons par l'ancienne maison du fermier qui a obtenu une concession temporaire sur ce site dans les années 1940. Il est parvenu ici en provenance d'Afrique du Sud en suivant des traces d'éléphants et s'y est établi durant 12 ans. Le nom de l'endroit signifie "source capricieuse" car elle ne coule pas en permanence et que le colon n'était même pas sûr qu'elle pourrait suffire à sa famille et à son bétail. Les Damaras ont ensuite récupéré la gestion de la place mais l'ont laissée un long moment à l'abandon.

Je vais ensuite décrire quelques gravures : la première est très fournie. Il s'agit d'une sorte de tableau pour se familiariser avec les animaux et ainsi devenir un bon chasseur. Dessus, on peut y voir de très nombreuses espèces comme le rhinocéros (en haut), l'autruche (juste en dessous), les girafes (à gauche), des antilopes (devant les girafes) ... Sont également représentées les empreintes de ceux-ci. Chaque animal est associé à toute une symbolique issue notamment du chamanisme : par exemple, les girafes figurent la pluie de par leur long cou, les rhinocéros sont toujours orientés vers les points d'eau car ils en sont dépendants ...  Les "gros pâtés" au centre ne sont pas des erreurs de l'artiste mais une représentation cartographique où les ronds blancs correspondent à des points d'eau aujourd'hui disparus. Autrefois, cela devait permettre d'expliquer aux jeunots que la faune s'y rassemblait pour s'abreuver et leur fournir une localisation précise pour peu qu'ils sachent lire une carte. Enfin, il convient de souligner une dernière spécificité : au-dessus des deux rhinocéros de la partie supérieure figurent deux empreintes humaines : la signature de l'artiste. J'imagine très bien Léonard de Vinci faire de même sur la toile de Mona Lisa...

La seconde gravure d'intérêt est celle de l'autruche à quatre têtes (au plus haut sur la pierre). Elle n'a pas été réalisée par un san qui aurait reçu sur la tête une bouteille de soda dont le nom évoque des feuilles servant à produire une drogue ou utilisées en Amérique Latine comme un coupe-faim  et remède contre le sorroche. Non, en fait, cette représentation a été conçue comme une oeuvre en mouvement qui montre les différentes positions du cou lorsque l'autruche se désaltère.

La troisième gravure met en scène deux formes d'otaries. Sachant que la côte est à environ 100 kilomètres, cela valide le fait que les sans étaient des chasseurs-cueilleurs semi-nomades qui avaient atteint la mer.

Enfin, la dernière des gravures que je vais présenter est celle du symbole du site : un lion dansant. Sa queue se termine en forme d'empreinte. Je me permettrais une hypothèse toute personnelle à ce sujet : serait-elle à l'origine de l'expression avoir le bras long ?

Nous terminons la visite par un passage à la source. Le moindre que l'on puisse dire c'est que son débit est faible !

Avant de poursuivre les visites, nous nous accordons une pause ravitaillement. L'occasion de découvrir deux curiosités : le touraco concolore qui s'est manifestement coiffé avec un pétard ce matin encore et l'arbre-bouddhiste ayant atteint l'illumination. Avec son interrupteur à même le tronc, c'est mon coup de coeur et un outsider de choix pour le prochain concours Lépine.

L'après-midi commence au pied de la Montagne Brûlée. Sa notoriété est telle que nous nous empressons de descendre du bus pour demander à Stéphane ce qu'on fait là. La réponse apportée ne m'incite pas à vous pousser au détour. Pour faire un effort, je soulignerai simplement le contraste entre le noir de son sol et le rouge-ocre des alentours.

A quelques centaines de mètres à peine, une micro-gorge cache d'innombrables tuyaux d'orgues. Il s'agit de colonnes de basalte qui se sont refroidies et ont durci sous pression très rapidement après leur formation. Elles ont ainsi adopté la forme de prismes. Les plus hautes mesurent 5 à 10 mètres. Toutefois, j'ai eu la chance de découvrir par le passé avec Laëtitia la Chaussée des Géants au nord de l'Irlande. Ce site ne me surprend donc pas spécialement.

Enfin, nous terminons avec un dernier arrêt au milieu de nulle part pour voir des welwitschias. Certains en parlaient depuis plusieurs jours et je m'interrogeais donc sur ce qu'était ce mot rapportant tant de points au Scrabble et pourquoi il suscitait un tel engouement ? J'ai à présent la réponse : il s'agit de plantes fossiles dont les plus anciens spécimens peuvent avoir 1500 à 2000 ans ! Ils ne possèdent que deux feuilles chacun initialement, feuilles qui peuvent ensuite être découpées par le vent. Leurs racines sont très peu profondes : en milieu très aride, cela leur permet de récupérer la vapeur d'eau déposée par le brouillard. La croissance de la plante dépend de cet apport liquide mais est extrêmement lente, de l'ordre de 3 à 4 mm par an. De toute façon, une graine met déjà 30 ans pour germer quand elle est dans le sol... C'est presque le temps qui me sépare de ma naissance ! A terme, elle peut atteindre 3 mètres de haut et 7 de circonférence. Nous avons la chance de mettre la main sur un spécimen femelle (avec les cônes) et un mâle à peu de distance. Stéphane nous précise en outre que la fécondation incombe à une punaise locale aujourd'hui présente en ce lieu désert pour vous public !

Nous rejoignons en seconde moitié d'après-midi notre camping au pied d'un massif de granite rose. Comme hier, les tentes sont déjà montées. Alors que je décharge le camion avec Franco et Daniel, le reste du groupe va se pré-réserver ses tentes. L'un de nous a ainsi la surprise de tomber sur une habitée par un couple de varans à l'hygiène douteuse car ils ont mis la tente sens dessus dessous. C'est l'attraction de ce côté-là et je vais la manquer vu que je suis près du bus à sortir les sacs et matelas. Ultérieurement, je pourrais ainsi avoir le compte-rendu et une photo de Stéphane avec un intrus dans chaque main. Après la prise de possession des "habitations", notre guide fait son tour quotidien pour réparer les fermetures. A ce niveau, je suis particulièrement verni car aucune des miennes n'a parfaitement fonctionné jusque-là. C'est ainsi un sujet à boutades qui durera jusqu'à la fin du voyage.

Après le décrassage (nous avons quotidiennement des douches à disposition), je repars avec les "forçats de l'ivoire végétal" -qui ont été réhabilités apparemment- à l'assaut du massif nous surplombant. D'en haut, la vue est particulièrement dégagée sur la plaine environnante. Le reste de la soirée ne sera pas long pour ma part car, avec tous les réveils matinaux depuis 7 jours, je m'endors dans mon assiette ce soir. Bonne nuit !

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