Principes de base du safari

Mardi 4 mars 2014

1er principe : Partir tôt car le monde appartient à ceux qui se lèvent de bonne heure. 5h30 ! Ah oui quand même ... Pour autant nous ne pouvons quitter officiellement le camp avant 7h00. Je fonde les plus grands espoirs sur cette journée intégralement consacrée au safari. Nous ferons un premier tour ce matin puis un second en fin de journée car ...

... 2nd principe : les animaux font la sieste entre 13h30 et 16h30, comme les espagnols. Les animaux c'est parce qu'il fait chaud. Pour les espagnols, je donne ma langue au chat.

Pour notre première sortie de la journée, nous allons circuler durant 5 heures. Il s'agit d'ouvrir grand les yeux et d'être sur le qui-vive à chaque instant. Au vu du capital-temps dont nous disposons, le résultat est mitigé puisque nous allons apercevoir essentiellement des oiseaux mais en petite quantité : autours chanteurs, francolin de Swainson, pluvier armé, rolliers à longs brins, calao leucomèle, ouettes d'Egypte, puis en changeant de gabarit : aigrette, serpentaires et enfin autruches !

Côté mammifères, la moisson est également assez maigre : impalas à front noir, bubales rouges, gnous, oryx et springboks.

Au cours de la balade, quelques pauses techniques sont ménagées pour satisfaire des besoins naturels. Ce qu'il faut savoir, c'est que ces haltes se font en plein milieu de la réserve, dans des endroits non protégés. Vous vous souvenez alors des anecdotes de Stéphane qui vous parlait lors du dernier dîner des lions trouvés dans les toilettes ou à la sortie de celles-ci parce qu'en saison sèche, ce sont des points d'eau permanents. Là nous sommes en saison des pluies donc le risque est moins grand, mais quand même... A la descente, vous êtes un peu tendu, des fois que... Etant bien éduqué, j'opte pour "les femmes et les enfants d'abord" ! Je suis sûr que ma mère serait fière de moi.

Sur un côté, des herbes hautes avec de beaux chatons. En face, une vaste étendue dont la couleur tranche avec la verdure du premier plan : le pan d'Etosha. Il s'agit d'un ancien lac salé asséché qui s'étend sur une superficie de près de 5 000 km². Celui-ci s'est évaporé il y a plusieurs millions d'années et ne se remplit plus qu'à la saison des pluies. Et encore puisque nous sommes sur la fin de cette dernière et que nous ne pouvons voir qu'une plaine calcaire aride.

Nous reprenons notre itinéraire. Nous passons régulièrement à des points d'eau mais l'activité y est inexistante en dehors de quelques ouettes d'Egypte.

 

3ème principe : pas besoin de prendre des stups pour halluciner. A force de scruter la végétation qui défile à toute vitesse, les yeux commencent à fatiguer. Vous aussi d'ailleurs. Il y a en outre ce stress positif qui ne vous lâche pas car vous souhaitez impérativement voir la plus grande diversité possible d'animaux. Cela peut aboutir à trois réactions principalement :

1) l'hallucination : régulièrement vous voyez ou croyez voir "quelque chose" qui a peut-être bougé à 833m sur la droite (parce que tous les animaux ne sont pas à 30cm des vitres). Vous hurlez donc un "stop" bien sonore pour que le pauvre Franco, au volant, émerge de son sommeil et s'arrête. Dans le meilleur des cas, vous venez d'identifier le 14ème springbok mais le plus souvent il s'agit soit d'une pierre, soit d'un tronc.

2) le déni de la réalité : les symptômes sont les mêmes que pour l'hallucination : vous croyez voir "quelque chose" qui a peut-être bougé à 833m sur la droite (parce que tous les animaux ne sont pas à 30cm des vitres). Vous vous apprêtez à hurler un "stop" bien sonore pour que le pauvre Franco, au volant, émerge de son sommeil et s'arrête. Mais finalement vous ne le faites pas parce que vous n'allez pas tomber à nouveau dans le piège précédent. Par acquis de conscience ou par simple réflexe, vous réalisez quand même une photo que vous ne regardez pas de suite pour économiser votre batterie. Résultat : quand vous rentrez chez vous et visionnez vos clichés sur l'ordinateur, vous vous mordez les doigts parce que vous avez raté le seul lion de tout le voyage !

3) l'euphorie : ça y est ... c'est sûr ... vous avez vu "quelque chose" là-bas sur la branche à 2h. A 832,5m pour être précis. Vous hurlez donc un "stop" bien sonore pour que le pauvre Franco, au volant, émerge de son sommeil et s'arrête. Vous êtes super heureux car c'est vous qui venez de découvrir pour le groupe une nouvelle espèce que l'on va mitrailler à loisir pendant un quart d'heure vu qu'il n'y a décidément pas grand-chose à se mettre sous la dent. C'est alors qu'une autre voix résonne et douche vos espoirs : "Continue Franco, ce n'est qu'une tourterelle turque !", autrement dit : la même espèce qu'en France ... A l'euphorie succède la déprime.

Dur le safari !

Pour nous remettre, nous rejoignons le camp du jour : Okaukuejo. Nous y bénéficions de 4 heures de pause, entre midi et 16h, pour monter notre tente, photographier la faune locale, manger, se reposer, être briefés sur le parcours, effectuer quelques emplettes ... Au premier rang des animaux du camp : des écureuils terrestres facétieux mais aussi frondeurs car presque prêts à soulever votre chaussure pour y récupérer une miette. Lorsqu'on s'immobilise, ils viennent à quelques centimètres de vous. Au cas où ils auraient des maladies, je ne préfère pas les toucher. Dans un arbre voisin, les républicains sociaux ont installé un vaste nid. Ci-dessous une photo d'un nid ridiculement modeste. En effet, les nids contiennent fréquemment une centaine de chambres. Certaines sont des leurres pour tromper les prédateurs mais d'autres leur sont réservées pour y vivre. En accueillant un couple de faucons dans leur nid qui prélèveront quelques-uns d'entre eux, les républicains sociaux se prémunissent de l'attaque d'autres faucons qui se feraient agresser par les primo arrivants. Exemple de symbiose improbable. Enfin, dans la direction opposée, un arbuste est couvert de papillons. A tel point que par endroit on voit difficilement le tronc !

Lion s'éloignant

Ecureuil fouisseur du Cap

Petit nid de républicains sociaux

Arbre à papillons

16h, c'est reparti pour un tour ! Au vu de la difficulté à voir certaines espèces nous avons corrigé la typologie établie par Stéphane : le léopard devient "facile à observer" tandis que les zèbres, si présents d'habitude, semblent nous bouder et rejoignent la catégorie "même pas en rêve". Dans cette même rubrique, nous espérons de tout coeur trouver un guépard sur notre chemin de l'après-midi.

Les premiers kilomètres sont prometteurs et nous croisons le chemin d'innombrables espèces : antilopes, oiseaux, gnous, chacal ...

Autruche

Koudou femelle

Impalas à front noir

Serpentaire

Cela m'amène à énoncer le 4ème principe : toujours prendre la vie du bon côté ! Sans cela, vous pouvez vous retrouver rapidement face à une situation embarrassante pour vous comme pour les autres sujets présents.

A ce petit jeu, je crois avoir la plus vaste collection d'arrière-trains d'Etosha des boucles occidentales de la Seine. Mais recentrons le sujet car nous nous égarons un peu ...

5ème et dernier principe : Toute personne qui réalise un safari doit respecter certaines règles de bon sens, parfois déjà évoquées dans ce carnet de voyage. Par exemple : ne pas nourrir les animaux pour ne pas les rendre dépendant de l'homme. Ce n'est pas parce que j'adopte un ton léger que je raconte des bêtises en permanence ! Voici un condensé des pratiques vertueuses :

1) Ne pas porter de couleurs flashy mais plutôt des neutres. En effet, les animaux n'ont pas besoin de cela pour vous repérer puisqu'on entend le camion arriver à des kilomètres. En outre, nos amies les bêtes sont davantage sensibles aux personnes de bon goût qu'elles viennent plus facilement visiter. Le criard les effraye. Enfin, pour ce qui est des fauves, ils n'ont pas encore été habitués à l'introduction de colorants dans leur alimentation donc merci de vous rendre appétissants en optant pour une couleur sobre.

2) Penser à adapter votre équipement photo avec notamment un objectif ou un zoom adéquat (selon le type d'appareil). Vous venez de voir dernièrement l'exemple du lion que nous avons tous manqué du fait de la trop grande distance. Je vous ai aussi parlé du rhinocéros-bus. N'oubliez pas toutefois la situation inverse où vous avez besoin de profondeur ou d'un grand angle car vous êtes sur le sujet. 2 options dans ce cas : a) la pessimiste : vous allez passer un sale quart d'heure à faire des tonneaux avant de finir en blini avec éventuellement option chute libre, projeté en l'air par un éléphant ou b) l'optimiste : "Franco, pourrais-tu encore reculer de quelques mètres pour ne plus écraser la patte de l'éléphant, s'il te plaît ?". Sans équipement adapté, votre dernière photo donnera à peu près ça :

3) Respecter la nature : sachez "la fermer" si vous me permettez l'expression. J'illustre les conséquences avec un cas personnel : 17h50, soit près de 10h que nous sommes en safari. Comme je l'ai déjà mentionné, j'ai les yeux explosés à force de scruter le moindre arbre et je suis tendu comme une arbalète, prêt à annoncer le moindre signe de vie innovant. A la sortie d'un virage, derrière un petit accident de terrain je repère un rhinocéros. Aussitôt je hurle "RHINOCEROS !!!" faisant retomber toute ma pression d'un seul coup, un peu comme quand vous avez gagné à l'Euromillions la dernière fois ou lorsque la Moldavie a remporté la finale de curling face à l'Ouzbékistan. La pauvre bête, totalement surprise, a dû être terrorisée et a sursauté à au moins trois mètres de hauteur avant de décamper à toute vitesse (photo du rhinocéros noir un peu au-dessus dans cet article). Entretemps, Franco a stoppé le véhicule. Au loin, le "rhinocéros-au-coeur-solide" disparaît un instant dans le couvert dont les feuilles tremblotent un moment. Sûrement le contrecoup ! Puis il finit par repointer le bout de sa corne pour s'assurer que le danger est parti. Nous ne le reverrons pas en entier. Un peu plus loin, un autre compère de la même espèce va se présenter et cette fois-ci, je serai plus civilisé. 

Un peu de culture : savez-vous (sérieusement) la différence entre le rhino blanc et le rhino noir ? Pour ne pas prendre une veste étant l'auteur de ce carnet de voyage, je me permets de répondre à votre place par la négative. En fait tout est parti du museau : le blanc a le museau large et carré pour pouvoir brouter l'herbe peinard quand le noir l'a étroit pour pouvoir s'alimenter de branches et de jeunes pousses notamment d'acacia. C'est à ce moment qu'intervient le maillon "faible" de l'histoire de l'évolution : l'homme ! Les hollandais qui  avaient noté cette spécificité, ont inséré le mot "weit" (large) dans l'appellation du rhinocéros blanc. Lorsqu'ils ont été chassés par les britanniques, ceux-ci, au lieu de traduire "weit" par "wide", ont compris "white" (blanc). La méprise était née ! Dans la nature, tous les rhinos sont gris et seul leur museau permet rapidement de faire la différence pour un béotien comme moi.

Le jour déclinant, nous reprenons le chemin du camp. Alors que nous ne sommes plus qu'à une poignée d'hectomètres surgissent de nulle part un chacal et des girafes, mais surtout nos premiers zèbres !!! Il est 19h et nous sommes dans le parc depuis plus de 24h. Presque un record à inscrire dans le Guinness Book ...

A l'entrée du camp, une tour en pierre dans le style donjon du Moyen-Age nous permet de nous dégourdir les jambes. Du sommet, la vue sur les alentours est extrêmement dégagée. La plateforme supérieure étant soudainement prise d'assaut par nos voisins de camping allemands, je décide de me replier car il y a trop de monde à mon goût. Pour le coucher de soleil, j'opte donc pour le point d'eau du camp. Je ne suis pas le seul non plus, mais cette fois-ci, je parviens à dénicher dans un bosquet une poignée de springboks. Je suis en outre heureux qu'il n'y ait pas de fauves dans les parages car le dispositif de protection me paraît plutôt léger au vu de la longueur du saut de certaines espèces. Vous pensez probablement que j'exagère mais Stéphane, même s'il ne partage pas mon ressenti, nous a expliqué ultérieurement qu'ici, une personne endormie sur un banc s'était fait dévorée par un lion il y a de cela plusieurs années.

Girafe

Zèbre !!!

Camp d'Okaukuejo - Tour

Soleil déclinant

Un moment je dois me résoudre à abandonner cette position pour aller casser la croûte. De retour sur les lieux après dîner, je parviendrai à repérer quelques chacals. Assez tard, des rugissements commencent à résonner dans les environs. Encore une fois, la provenance du son est déconcertante car le camping est si petit que le cri semble venir de son sein même si je sais qu'il n'en est rien. Je me dis que je tiens peut être l'occasion de voir le "roi de la jungle" venir s'abreuver donc je me montre très patient. Je suis d'abord rejoint par Guillaume avec qui nous menons une exploration prudente des environs puis un peu plus tard par Stéphane. Les rugissements de deux lions nous parviennent encore à intervalles réguliers suivis de jappements de chacals mais ce sera tout. A 23h, nous capitulons sans avoir rien vu et continuerons d'avoir du son dans nos tentes respectives. Quel voisinage tapageur ! 

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