L'oxygène se fait rare
Jeudi 13 mars 2014
Le récit de la journée sur mon carnet de voyage commence par deux mots qui sont adressés à une seule personne : "Joyeux Anniversaire !". Dès mon réveil, mes pensées sont pour un instant en France.
Comme le retour dans l'Hexagone se profile, nous arrêtons les grasses matinées pour nous remettre progressivement dans le bain. Lever 5h15 et départ à 5h50. J'en arriverais presque à croire que nous pourrions partir avant même d'être réveillés vu l'écart entre ces deux heures qui ne cesse de se réduire. La raison de cette agitation ? Nous avons rendez-vous avec le soleil au sommet de la dune 45. Ce qui nous attend, je ne l'envisageais point. Ne croyez pas que je parle du spectacle offert, non, plutôt de la foule très importante qui nourrit exactement les mêmes desseins que nous. Ce qui est incroyable, c'est que l'on est actuellement hors saison. Imaginez un peu en plein pic de juillet-août. La queue doit être plus importante que dans l'attraction la plus fréquentée du parc consacré à la souris aux grandes oreilles. Comment expliquer une telle foule ? Simplement parce que, pour protéger l'environnement, la Namibie n'ouvre qu'une poignée de dunes aux touristes. Lorsqu'une est trop massacrée, une autre est ouverte le temps que la première se reconstitue. Le jour où le monde aura une telle conscience environnementale, nous ne parlerons plus de réchauffement climatique !
Tandis que notre camion se gare sur le site, je vois déjà des processions attaquer l'ascension. Avant de partir, Stéphane attribue à trois d'entre nous des paquets de biscuits car nous sommes à jeun. Top départ ! Comme l'enjeu est de taille, c'est à nouveau chacun pour soi : il faut en effet arriver à temps et être bien placé. Je pars donc tête baissée. Le fait de grimper quotidiennement des centaines de marches plutôt que de prendre l'ascenseur est un précieux atout qui explique que je sois toujours devant. La distance à couvrir n'étant pas très longue et la pente pas trop ardue, je plie l'affaire en 20-25 minutes bien qu'ayant été englué dans le trafic. Je suis rapidement rejoint par les premiers de mes compères. Ce qu'il y a de cocasse, c'est que les trois premiers en haut sont ceux qui ont les biscuits ...
Tous ceux qui ont tenté l'ascension sont finalement parvenus au sommet. C'est super car beaucoup d'autres groupes s'arrêteront à mi-pente. Au moins, nous allons pouvoir assister au lever de rideau ensemble.
Les couleurs changent à toute vitesse. Dès que le disque solaire commence à émerger, les pointes des dunes se parent de rouge. Progressivement, cette couleur et le vert du sol grignotent l'intégralité des zones d'obscurité. Enfin, le pastel s'empare des plaines où des rivières asséchées dessinent encore des arbres renversés.
C'est l'heure de redescendre. Cette phase du parcours permet de distinguer les débutants en dune qui suivent sagement la crête, des "vieux briscards" comme nous qui dévalons les flancs meubles.
Le paysage de l'autre côté de la route et de la vallée est très joli avec quelques arbres isolés se détachant sur un arrière-plan de hautes dunes.
Etant revenus à notre point de départ, nous avons la surprise de voir Daniel concocter des pancakes. Quelle fête ! Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls sur le coup puisqu'un chacal à chabraque connaissant bien le rituel qui se reproduit chaque matin, s'aventure au milieu des groupes pour prendre lui aussi son petit-déjeuner. Quand la faune sauvage devient domestiquée ... Triste exemple.
Nous repartons par un couloir inter-dunaire sur une route bitumée en direction de Sossusvlei. Nous y attend le gros morceau de ce voyage : Big Daddy. Présentons le "bébé" : dans les 300 mètres de hauteur (pas loin de la Tour Eiffel) et 1 kilomètre d'ascension. Cela peut prendre entre 45 min et deux heures pour la majorité des gens. Pour corser un peu l'affaire, plus le temps passe et plus la chaleur augmente.
Nous troquons le camion pour des jeeps quasi-obligatoires pour couvrir les 4 à 5 derniers kilomètres. Un peu avant la halte de la plupart des groupes, nous descendons pour entamer la marche d'approche. Celle-ci nous rajoute un kilomètre dans le sable d'abord meuble puis sec. Chemin faisant, nos pas croisent ceux de springboks. Seules 3 autres personnes ont également choisi de gravir la même dune et nous précèdent : une personne déjà à mi-pente et un couple d'asiatiques pas très loin devant.
La première "bosse" n'est pas très longue. Elle aboutit sur les bords d'un cratère dont le fond est en terre craquelée, plus claire que le sol environnant. Les asiatiques sont déjà dépassés. Avec Daniel, nous partons en éclaireur et maintenons un rythme élevé. Pour le moment, l'effort n'est pas plus intense que lors des trois précédentes ascensions. Autour de nous, le paysage s'aplatit toujours plus et l'horizon est sans cesse repoussé. La vue couvre rapidement tout Ostrichvlei et une bonne partie de Sossusvlei.
Alors que sur les autres dunes, nous pouvions marcher sur la crête plus ferme, celle-ci n'est pas aussi dense et ne le permet pas. Il faut évoluer sur le côté, toujours au moins légèrement en pente. Celle-ci finie par devenir plus raide et exigeante. Nous rattrapons ainsi l'allemand qui ouvrait jusqu'à présent la voie. Dès lors, l'effort va être démultiplié car il faut faire la trace. Sur les 200 derniers mètres, le sommet semble juste là, à portée de main, mais je suis à bout de souffle et ai les jambes bien lourdes à force de m'enfoncer et de résister au glissement permanent de mon pied aval vers le bas. Je dois ainsi m'arrêter tous les 15 à 20 pas pour récupérer une trentaine de secondes avant de repartir à nouveau. Tant bien que mal, nous parvenons au terme de notre ascension. Notre environnement ressemble presque à une photo aérienne vu de cette hauteur. Un océan de dunes aux multiples teintes nous entoure aux 4 points cardinaux.
Après quelques minutes de récupération, je vais à la rencontre de l'allemand qui est dans le raidillon final pour lui prêter main forte. Ayant rejoint Daniel, il nous demande de le prendre en photos avec les écharpes de supporters de probables clubs de foot. Après avoir retrouvé des forces, il entame prudemment la longue descente. Lorsque mes premiers compagnons de voyage se présentent, il n'est déjà plus qu'une fourmi devant laquelle s'étend la Deadvlei. Au final, nous serons 6 à être parvenus en haut dont Stéphane et Daniel. Le rude effort en valait la peine et apporte indéniablement un plus.
Ayant bien profité de cette vigie sur la Sossusvlei, nous entamons la descente de cette dune chantante. Je ne vais pas mentir : cette caractéristique est plutôt dérisoire ici. En Mongolie, dans les dunes du Gobi, j'entendais distinctement un son métallique à chaque enjambée, dans ce lieu, il est beaucoup plus ténu donc décevant à mes yeux. Autre point frustrant : alors que nous avons mis plusieurs dizaines de minutes à monter, la descente (en courant plutôt vite) ne prend que 3 minutes. C'est un peu comme lorsque vous allez au Futuroscope, faites une queue d'enfer pour en profiter pendant un trop court instant au final.
En bas, les chaussures sont pleines de sable et il est indispensable de vider ces ballasts avant de traverser la dépression dans laquelle on se trouve. A ce petit jeu, je perds : je n'ai pas collecté la plus grande quantité. J'accepte la défaite et renonce exceptionnellement à la belle.
Deadvlei, c'est la vallée emblématique de la Namibie, celle qui est sur tous les catalogues, celle qui m'a donné envie à elle-seule de faire des milliers de kilomètres pour gagner le concours du Club de Mickey cet été. Le Petit Futé la qualifie de "paysage quasi-mystique composé d'arbres morts figés dans une cuvette blanche au milieu des dunes rouge orange". Je ne peux dire mieux. Il s'agit d'un ancien lac asséché (parfois rempli très temporairement à la saison des pluies) ponctué, sur une partie seulement, d'arbres âgés de 200 à 800 ans. De notre point de départ, ceux-ci semblent être les pieds dans l'eau du fait de mirages. Ils ne vont cesser de croître en taille à mesure que l'on se rapproche pour devenir omniprésents. Au milieu d'eux, j'en viendrais presque à croire qu'ils s'étendent finalement sur la totalité de la cuvette. C'est dire sa taille ! Avec les chutes d'Epupa, je tiens mon second site le plus marquant de ce voyage. Tout simplement sublime !
Du point de rassemblement, nous voyons que d'autres dunes, plus accessibles, sont prises d'assaut.
Nous regagnons le camion avec les 4X4 officiels puis rentrons au camping pour la pause déjeuner à travers un décor de dunes rouge.
Après le repas, Catherine et Michel nous quittent pour rejoindre l'aéroport puis le Gabon. J'obtiens en souvenir leur tente car la mienne est devenue depuis ce matin un modèle de plein-air, la fermeture ayant définitivement rendue l'âme. A peine emménagé, je cours taquiner Stéphane en lui signalant que j'ai un souci car ma nouvelle demeure ferme correctement. Ce point ne m'aura pas vraiment gêné au cours du voyage du fait de l'absence de moustiques mais c'est devenu un sujet de plaisanteries. Le reste de l'après-midi est dédié au farniente sauf que je ne tente même pas la piscine pour pingouins.
17h. Nous partons pour notre ultime balade à quelques kilomètres seulement du camping : le canyon de Sesriem. Nous commençons par avoir une vue depuis le haut avant de descendre dans ses entrailles. Sesriem signifie "6 courroies" en afrikaans car c'est ce qu'il fallait pour pouvoir en toucher le fond avec un seau. Ses dimensions sont les suivantes : 4 kilomètres de long, 35m de profondeur et une largeur comprise entre 20 et 120 mètres. Il a été creusé par la rivière Tsauchab dont la largeur atteignait 3 à 4 kilomètres à l'origine.
Les parois sont constituées de strates de sédiments datant parfois de plusieurs millions d'années. Lorsqu'elles sont fines, elles témoignent d'un débit lent et régulier, plus grossières, elles reflètent un cours d'eau temporaire.
Quelques arbres se développent dans la faille dont un acacia et un figuier sycomore. Le premier est doté de racines impressionnantes puisque, en profondeur, elles atteignent 3 fois sa taille et qu'une proportion équivalente est respectée pour celles proches de la surface. Son âge avoisinerait les 250 à 300 ans. Pour la seconde essence, ses racines sont beaucoup plus courtes car il n'a pas besoin d'aller chercher l'eau très profondément (à moins de 2 mètres).
Le fond du canyon s'élargit et devient plus pierreux donc moins agréable pour y évoluer. Nous remontons donc sur les hauteurs et retournons au camion par ce chemin. La lune est déjà de sortie pour assister au coucher de soleil à notre place.
De retour au campement, nous récupérons le nécessaire pour un second pot d'adieu après celui d'hier soir puis passons à table pour un repas gargantuesque. Je pense que les équipes gérant le camping doivent encore avoir des restes ... Et pour assaisonner le tout, un Mimi au top de sa forme et de l'animation. A en pleurer de rire !