Un guépard à tout prix
Mercredi 5 mars
Lever : 5h30 selon le premier principe du safari. Départ à 7h comme hier. Il ne nous reste plus qu'une demi-journée pour pouvoir repérer les espèces aux abonnées absentes. Parmi celles-ci, le guépard vient en priorité numéro un. Nous sommes donc prêts à faire des concessions pour maximiser nos chances : tant pis s'il n'est pas en train de chasser une souris ou de sauter à travers un cerceau enflammé, nous le prendrons même au saut du lit, l'esprit encore embrumé et la gueule pâteuse.
Sur la première plaine, nous écartons les springboks tellement ils pullulent. Les "STOOOP ! Un springbok" se font "Pff, encore un, là, sur la gauche". Nous ne tardons pas non plus à dénicher des gnous, des zèbres, des chacals, des outardes... Bref c'est "animaux à profusion". Mais de guépard, il n'y en a point. Le plus râlant, c'est que la Namibie abrite la plus grande concentration de cette espèce : 3 000 spécimens sur les 10 000 dans le monde ! Allez, ne faites pas vos timides...
En milieu de matinée, sortant des fourrés droit devant le camion, une lionne avec un bébé zèbre (mort) entre les crocs. Nous la suivons jusqu'à ce qu'elle dépose la demi-carcasse sous le nez de sa progéniture. Images à la fois cruelles et tendres. Etant les seuls sur place, les photographes d'African Eagle couvrent l'événement en exclusivité pour vous.
A deux pas de là, un troupeau de zèbres conséquent continue de paître presque avec insouciance. Ils ne sentent pas la lionne ?
Nous enchaînons avec une cigogne noire et des vautours oricous, puis par une gazelle au sol qui s'agite frénétiquement, secouée par d'impressionnantes convulsions. Danse de saint-Guy ? Epilepsie ? Un instant nous la croyons même blessée à mort. La voir souffrir est très dérangeant ... Elle se tortille, soulevant un épais nuage de poussière, puis s'immobilise exténuée. En fait, elle est en train de mettre bas.
Non loin de là, notre camion s'immobilise au milieu de nulle part ... Qu'est-ce que l'équipe a bien pu voir ? Tout le monde se met à l'affut jusqu'à ce que l'encadrement descende et s'apprête à changer une roue. Et de 3 ! Heureusement que nous avons renouvelé notre stock... Malgré un paysage plutôt dégagé, je ne suis pas trop tranquille pour ceux qui sont dehors et guette un éventuel danger.
Un bon moment plus tard, nous retrouvons une nouvelle plaine très peuplée : oryx, autruches, bubales rouges mais surtout 3 des "2 éléphants" du parc ce qui laisse les plus statisticiens d'entre nous sceptiques sur les sources. Au contraire, un point fait l'unanimité sans avoir besoin d'en parler : à midi, c'est nous qui cuisinons ! Si, si, on insiste. En effet, il y a quelques minutes, avant de croiser les pachydermes, Franco a arrêté le camion et Stéphane en est descendu. Il s'est approché d'une grande bouse sur la chaussée et y a plongé le doigt avant de conclure justement que "nous pourrions voir un éléphant"...
Après 200 kilomètres de piste, nous quittons la savane pour les collines boisées de mopanes. Nous avons la grande chance de croiser la route de zèbres de montagne. Contrairement à leurs "cousins" de Burchell, ils n'ont pas de rayures brunes intermédiaires entre les blanches et les noires, et leurs pattes sont également hachurées. Regardez ci-dessous pour comprendre et, lors de votre prochain diner dans "la haute", vous pourrez étonner Bernard qui a tant réussi dans la vie et aime bien pérorer sur son métier de médecin (du travail, à Aubervilliers).
Avec cette dernière espèce, nous sortons du Parc par le poste d'Otjovasandu. Un bon moment, nous continuons à longer ses clôtures avant d'arriver à une barrière vétérinaire : grille barrant la route visant à empêcher la propagation d'épidémies. Ici, cet obstacle joue pleinement sa fonction car il s'étire à perte de vue quand à d'autres points du globe, il s'arrêterait à 3 mètres du portail barbelé ...
De l'autre côté, nous faisons connaissance de têtes brûlées : de nombreuses vaches broutent au bord de la route et traversent à l'improviste quand bien même un véhicule de plusieurs tonnes approche à toute allure, klaxonnant à tue-tête. A se demander si le code de la route local s'applique aux bovins-piétons ? Ou alors la chaleur les fait divaguer et elles se prennent pour leurs cousines "intouchables" d'Inde ? Dans tous les cas, ne vous bercez pas d'illusions, c'est bien vous qui céderez et pas le ruminant. Je ne vous dis pas combien leur égo va se renforcer en agissant de la sorte...
Nous poursuivons notre bonhomme de chemin en direction d'Opuwo. L'occasion d'aborder un certain nombre de points sur la vie courante namibienne :
- la personne travaille soit pour l'Etat (fonctionnaires, ...), soit pour le village (agriculteurs, éleveurs, ...). Cela a notamment des répercussions sur l'imposition, l'allocation de ressources, la justice ... Par exemple, les impôts sont versés dans les caisses nationales dans le premier cas, dans les caisses locales dans le second. Le niveau tribal peut offrir des terres à ses résidents. En échange de l'entretien et de la culture sur ces terres privées et sur celles de la communauté, le village peut fournir des denrées à chacun. Selon le propriétaire de la parcelle, la justice est rendue à un échelon plus ou moins local. Pour les crimes et délits les plus graves, la punition tribale peut se superposer à celle de l'Etat comme ça arrive également en Equateur dans les tribus indigènes qui appliquent la double-peine (sanction étatique puis désaveu et déshonneur dans la communauté villageoise).
- en matière de soins, les personnes travaillant pour l'Etat payent un forfait de 58NA$ par mois pour une couverture "universelle". Les hôpitaux s'assurent que leurs patients puissent payer avant la dispense de soins. Les médecins sont plutôt nombreux et bien formés, souvent en Afrique du Sud. 20% de la population environ est atteinte par le SIDA. 86% est prise en charge gratuitement. La prévention contre le VIH commence dès le plus jeune âge, vers 7 ans. L'avortement est interdit. Enfin, les vaccinations sont parfois prises en charge comme pour la tuberculose ou en cas d'épidémies.
- au niveau des atteintes aux personnes, il n'y a pas de quoi s'alarmer en tant que touriste : ce n'est pas Rio ou l'Afrique du Sud. Toutefois, pour les locaux, les violences envers les femmes sont en hausse avec parfois des assassinats barbares. Dans ces cas, les fautifs sont condamnés à de lourdes peines. La peine de mort n'est jamais pratiquée dans le pays car les responsables craignent qu'elles génèrent des flambées de violence ou des abus telles des délations fictives.
- concernant les drogues, les plus dures sont illégales mais il existe un trafic par exemple pour les herbes. L'alcoolisme est très important et fait des ravages parmi toutes les classes d'âge et chez les deux sexes. Ce phénomène de société aurait émergé à l'issue de l'apartheid et de l'interdiction des ventes d'alors. La situation sanitaire se dégrade rapidement sur cet aspect précis.
En seconde partie d'après-midi, nous entrons dans une petite ville : Opuwo. C'est ici que nous allons passer la nuit. Auparavant, nous nous arrêtons au centre-ville pour y effectuer quelques courses. Il présente un triste aspect : celui de populations qui ont abandonné leur mode de vie traditionnel pour céder aux sirènes de la ville et y perdre une partie de leur identité ! Nous croisons ainsi des femmes himbas qui viennent vendre des bibelots ou se faire photographier contre quelques billets. C'est une tribu où la gent féminine est à demi-nue et s'enduit la peau d'ocre. Vous l'avez peut-être vue il y a quelques années dans un "Rendez-vous en Terre Inconnue" avec Muriel Robin ? Nous irons visiter une famille de cette ethnie dans les prochains jours. En attendant, n'étant pas habitué, il est plutôt irréel de les voir déambuler dans les allées des supermarchés !
Nous gagnons ensuite les hauteurs de la bourgade pour camper dans un site aménagé. Après avoir aidé à décharger le camion et alors que nous montons nos tentes avec Patrick, le camion file car nous avons à nouveau crevé. 4 fois, c'est encore loin du record de 9. L'atteindrons-nous ? En attendant, je suis sans papier, sans argent et sans mes livres, carnet de voyage, magazine de jeu ... Ne reste plus pour s'occuper que la piscine à débordement avec vue sublime sur la vallée en contrebas (là vous devez compatir normalement). Un cadre de Puy de Dôme ou, mieux, de Vallée du Rift. La pause est très agréable, le mercure étant bien haut.
Au retour, nous passons à table pour déguster un très bon poulet à l'ananas avec du riz.
Pour terminer, je passe bêtement une nuit à stresser un long moment. Avec toutes ces histoires racontées par Stéphane à table et qui peuvent se produire de nuit -celles où le héros est une hyène ou un léopard-, je suis effrayé de devoir, pour la première et unique fois de ce circuit, pointer le bout du nez dehors. Je passe ainsi un bon moment à me tortiller avant de me décider à sortir très rapidement, presque au pas de charge. Finalement, c'est bien de rentrer en un seul morceau qui me soulagera le plus... Voilà comment se faire un bon film tout seul quand vous n'avez ni télé, ni courant !